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La Lettre où se fondent nos conquêtes

Date: 

01/06/2018

Source: 

Periódico Granma

CE ne sont pas de simples mots, des idées, des principes énoncés sur quelques feuilles de papier. Y compris la définir comme Loi fondamentale de notre République, ne saurait résumer ce que signifient les 137 articles de la Constitution cubaine, car parler de la Constitution, c'est parler de l'État, d'égalité, de droits, de démocratie, de justice sociale, de respect de la dignité pleine de l'Homme.
 
L'histoire parlementaire de Cuba est née dans la clameur des guerres d'indépendance, lorsque toutes les forces insurgées de l'Île s’unirent dans la manigua [forêt tropicale] au sein d’un gouvernement unique, dont la première décision fut de décréter précisément l'égalité de tous les hommes.
 
La première Constitution cubaine, entrée en vigueur sur le territoire, est issue de l'Assemblée de Guaimaro, en avril 1869. Elle reconnaissait que tous les habitants étaient entièrement libres, un principe qui ne serait jamais abandonné et qui fut incorporé avec la même détermination dans les trois autres constitutions proclamées durant la geste de libération du 19e siècle : la Constitution de Baragua (1878) ; celle de Jimaguayu (1895) et celle de La Yaya (1897).
 
L’élaboration d'une Constitution qui représenterait le peuple, qui devrait répondre devant lui et non devant les intérêts particuliers d'une classe sociale ou d'un gouvernement, fut tout aussi difficile que le chemin parcouru vers la souveraineté définitive du pays. Tout confluait à l'unisson, parce que la lutte révolutionnaire était le seul moyen d'obtenir l’indépendance absolue et d'établir cette République « avec tous et pour le bien de tous ».
 
LA LIBERTÉ PLEINE ANÉANTIE
 
Il faudrait à nouveau reprendre les armes et que des hommes du peuple affrontent l'opprobre du joug – désormais plus espagnol, mais aux ordres d'une autre nation interventionniste – pour que la maxime de José Marti puisse vraiment devenir une réalité. L'intervention étasunienne de 1898 anéantit notre souveraineté, alors que nous étions sur le point de gagner la guerre.
 
Face aux pressions de l’agresseur, à ses menaces, y compris de ne pas quitter le pays et à ses manœuvres politiques, eurent lieu en 1901 les débats des délégués à l'Assemblée constituante de Cuba, qui devaient rédiger et adopter une Constitution pour le pays dans le nouveau contexte, tout en reflétant très précisément la nature des relations entre l'Île et les États-Unis.
 
En dépit de la bravoure et de l'honnêteté de véritables combattants de l'indépendance qui élevèrent leur voix radicale comme Juan Gualberto Gomez, Manuel Sanguily et Bartolomé Maso, pour n'en nommer que certains, une annexe à la Constitution fut adoptée le 12 juin de la même année :
 
L'amendement Platt, un triste document qui non seulement révélait la condition de dépendance et de semi-colonie du territoire, mais qui laissait Cuba pieds et poings liés, à la merci de son voisin du nord, en lui attribuant le droit d’entrer dans le pays et d’intervenir chaque fois qu'il le jugerait nécessaire.
 
Le manque de respect de la légalité établie, la position de servitude et de répression des masses fut l’une des caractéristiques qui marqua les gouvernements de l'Île au cours des décennies suivantes. Le dictateur Gerardo Machado ne laissa aucun doute à ce sujet lorsque, malgré une forte opposition populaire, il engagea une réforme de la Constitution de 1901 dans le but de prolonger son mandat. Une disposition qui fut adoptée en 1928.
 
Toutefois, ce fut sous l'ordre du président Mendieta, en 1934, que les réformes constitutionnelles les plus rapides et les plus inconsistantes eurent lieu, mais aucune d'entre elles ne fut d’un grand intérêt, car la plupart visaient à fournir des solutions opérationnelles ou à faciliter les jeux politiques et électoraux.
 
En revanche, la Constitution de 1940 avait bien un esprit progressiste, héritage des luttes révolutionnaires des années 30. Son texte fut le résultat historique du processus forgé depuis l'époque de Mella et du Directoire des étudiants et de l'action révolutionnaire d'Antonio Guiteras.
 
Ainsi, ses articles reconnaissent le droit de grève pour les ouvriers et le travail comme un droit humain inaliénable, tout en interdisant la discrimination raciale fondée sur le genre ou la couleur de la peau. En outre, cette nouvelle Constitution se prononçait en faveur d'une éducation universelle et gratuite, pour la santé publique à la portée de tous et déclara aussi le droit de vote universel, égalitaire et secret.
 
Cependant, bon nombre de ses dispositions furent laissées pour des lois ultérieures qui ne furent jamais promulguées. Ce fut en fait une Constitution décevante, pleine d'attentes et d'espoirs insatisfaits.
 
Le coup d'État du 10 mars 1952 fut un exemple de ce manque d’opérativité de la Constitution. Alors que les élections étaient convoquées pour le 1er juin de cette année, l'ancien général Fulgencio Batista, avec l'appui d'un groupe d'officiers des Forces armées et l'approbation de l'impérialisme, s’empara de la forteresse militaire de Columbia et brisa la structure constitutionnelle fragile et sans défense qui existait alors et installa une dictature sanguinaire qui allait durer 7 ans.
 
LE PEUPLE DÉTIENT LA SOUVERAINETÉ
 
Même si la Constitution de 1940 représenta un progrès dans sa lettre, les textes n'ont jamais réussi à aller au-delà du papier et à être traduits en faits. Pour les faire respecter, il fallait un autre type de combat : la Révolution, qui prit le pouvoir en 1959.
 
Désormais, Cuba allait écrire un autre chapitre de son Histoire, riche en transformations profondes et radicales qui ébranlèrent les anciens schémas et donnèrent de la vitalité à la nouvelle société qui se construisait. Pour être à la hauteur de la tâche, il fallait un appareil d'État agile, opérationnel et efficace qui représenterait le peuple et prendrait des décisions sans retards excessifs.
 
Comme le déclara Fidel Castro au Premier Congrès du Parti : « La Révolution ne s'est pas précipitée pour donner au pays des formes d'État définitives. Il ne s'agissait pas simplement d’expédier un dossier, mais de créer des institutions solides, bien pensées et durables qui répondent aux réalités du pays. »
 
Cependant, il était impératif de remplacer la Loi fondamentale qui avait régi le pays jusque-là, résultat de nombreuses adaptations du texte constitutionnel de 1940, et d’élaborer une nouvelle Constitution en accord avec les changements survenus dans le pays.
 
L'avant-projet de cette Constitution fut remis entre les mains des citoyens. Le texte fut examiné dans des milliers de centres d'études et de travail, d'unités militaires, de missions internationalistes à l'étranger, etc. Au terme de la consultation populaire, le document fut finalement analysé au Premier Congrès du Parti et, résultat des multiples propositions, le préambule et 60 des 141 articles du document furent modifiés.
 
Le 17 février 1976, lors d'une session extraordinaire du Conseil des ministres, le résultat fut annoncé : la nouvelle Constitution avait été soutenue par plus de cinq millions de Cubains, dont 97,7 % s’étaient rendus aux urnes.
 
Plus tard, la constitution de l'Assemblée nationale du Pouvoir populaire (ANPP), le 2 décembre 1976, l'élection du Conseil d'État, de son président et de ses vice-présidents et la désignation des membres du Conseil des ministres renforcèrent le caractère démocratique de la Révolution, en mettant en place des formes plus efficaces de participation des citoyens aux affaires du pays.
 
LES RÉFORMES ULTÉRIEURES
 
L'expérience accumulée au cours des 15 premières années de fonctionnement du système de Pouvoir populaire, la volonté de perfectionner et de renforcer notre démocratie, permirent d’enrichir les principes de la Constitution. En 1992, une Loi de réforme constitutionnelle apporta les ajustements nécessaires à notre économie pour faire face à la période spéciale.
 
Ainsi, après un large débat avec le peuple à l’occasion de l’analyse de l'Appel pour le 4e Congrès du Parti, fut inscrit dans la Constitution l'élection directe et secrète par les citoyens des députés à l'Assemblée nationale et des délégués aux assemblées provinciales du Pouvoir populaire, ainsi que l’assouplissement de l’article sur la nature de la propriété des moyens de production et la direction et le contrôle du commerce extérieur.
 
Par ailleurs, en 2002, face aux discours hégémoniques et provocateurs du président étasunien de l'époque, George W. Bush – une ingérence dans des questions, dont seuls les Cubains peuvent décider – plusieurs marches populaires massives eurent lieu dans tout le pays pour soutenir le système et la forme de gouvernement établis à Cuba.
 
Parallèlement, une nouvelle réforme constitutionnelle était lancée. Lors d’un plébiscite populaire sans précédent, plus de huit millions de Cubains signèrent publiquement et volontairement, pour confirmer leur unité et leur détermination inébranlable de défendre leur indépendance et leur souveraineté pleines.
 
C’est ainsi que fut inscrit en toutes lettres dans notre Constitution le caractère irrévocable du socialisme et du système politique et social de la Révolution, et que les relations avec tout autre État ne seraient jamais négociées sous l'agression ou sous la menace d'une puissance étrangère.
 
Ce fut la dernière réforme de notre Constitution. Jusqu'à aujourd’hui, les discussions qui auront lieu après cette session extraordinaire de l'Assemblée nationale marqueront un autre moment de l'Histoire, en cohérence avec les besoins de la société cubaine à l’époque actuelle, mais sans oublier les principes qui définissent l'essence du système auquel nous croyons.